Le luxe de crisser son camp

Je l’ai récemment annoncé à mes amis, à ma famille, à mes collègues, puis aux gens-de-l’internet : je déménage en Italie. À Rome, plus précisément. J’ai loué mon appart rosemontois, trouvé une famille à mon fils Quiche, démissionné de ma belle job jet-set, vendu mon auto et acheté un billet d’avion aller simple direction… j’sais pas trop quoi. Something quétaine, genre: l’aventure ou le reste de ma vie.

Les réactions à ce gros move (que je fais simplement parce que ça me tente, que la vie est courte et que le vin italien est bon) ont été pour la plupart positives. On m’encourage. On admire mon courage. On a hâte de venir me visiter. Et on me trouve chanceuse.

Les premières fois qu’on m’a dit : «T’en a, d’la chance!», ça m’a gossé. Après tout, ça fait des années que je travaille pour mettre ce projet en branle. J’ai échangé ma belle voiture pour une minoune, j’ai slaqué sur les dépenses non nécessaires, j’ai pris une deuxième job, j’ai vendu la plupart de mes avoirs. J’ai travaillé fort. C’est pas d’la chance, ça, amirite?

Pis c’est là que j’ai réalisé que j’avais un petit check de privilège à faire. Je suis chanceuse. Même si je work my ass off depuis des mois.

J’ai envie de parler de mon périple et de ce que ça m’apporte en tant qu’humaine d’être toute seule à l’autre bout du monde, mais j’ai pas envie d’être la fille qui te dit de lâcher ta job pour voyager.

Internet regorge de blogueurs-voyage-lifestyle qui prétendent que la seule chose qui t’empêche de réaliser tes rêves, c’est toi-même. Ton bon vouloir. Ton guts. Que pour aller voir le monde, suffit de lacer tes souliers, de tout quitter pis de partir à l’aventure.

«We quit our jobs, sold everything we had and we now live blissfully on a Bali beach. And you can do it too!»

Bullshit.

Tsé, tout est possible. Mais on s’entend pour dire que tout sacrer là pour go after your dream, ça se fait pas mal mieux lorsque la vie est de ton bord : quand t’es en bonne santé physique; quand t’es en bonne santé mentale; quand t’es riche; quand t’es citoyen du bon pays; quand t’as pas d’enfants (ou de parents) qui dépendent de toi; quand t’as un métier qui te permet de le faire; quand t’es blanc; quand t’as pas de handicap; quand t’es mince; quand t’es hétéro; quand t’es cis.

Et cetera.

Je réalise ma chance à chaque étape de ce changement de vie. Pis, par le biais de ce blogue (Quoi, vous trouviez pas qu'il manquait un blogue écrit par une privileged white girl?)  j’ai envie, entre autres, d’inspirer les gens à réaliser leurs rêves, à aller au bout de leurs idées, pis toute. Mais jamais en les faisant sentir cheap, paresseux ou pas assez gutsy.

Ce qu’il y a entre nous pis nos rêves, c’est pas juste notre bon vouloir. C’est malheureusement un paquet d’injustices et de circonstances qui sont, la plupart du temps, complètement hors de notre contrôle.  Faque donnons nous donc un break.

Et même si partir pour l’Italie pour manger de la burrata à tous les repas s’avère être la meilleure décision de toute ma vie, j’vous promets de jamais – jamais! – vous dire de quit your day job.

E.

 

 

 

 

 

 

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